L'appel du 18 juin ...
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le general De Gaulle
Je vis un homme immense, marchant à grands pas dans de longues bottes cirées, écrivit miss Barker. J'entends encore sa voix grave. Dans le studio, il y avait une table ronde, recouverte d'un tapis, avec le micro au milieu. Moi, je me tenais debout (levant la porte d'entrée. Le général paraissait à la fois calme et tendu. Son visage était comme figé, mais il ne cessait de bouger légèrement la tête. Il regardait fixement le micro, comme s'il pouvait voir au-delà de l'appareil. »
l'appel du 18 juin

D'une voix lente et forte, de son débit syncopé alors inhabituel, mais que les courtisans, plus tard, vulgariseront, il affirme que le dernier mot n'est pas dit ; que la défaite n'est pas définitive, que l'espérance ne doit pas s'éteindre. La France n'est pas seule ; elle dispose d'un vaste empire ; elle peut faire bloc avec l'empire britannique, qui tient la mer ; elle peut puiser à l'infini dans l'arsenal industriel des Etats-Unis.
— Cette guerre n'est pas tranchée par la bataille de France. Cette guerre est une guerre mondiale... Foudroyés aujourd'hui par la force mécanique, nous pour­rons vaincre dans l'avenir par une force mécanique supérieure.
Bel acte de foi, mais que précède un règlement de comptes et que suit une proclamation grosse de sous-entendus.
« Les chefs qui, depuis de nombreuses années, sont à la tête des armées fran­çaises, ont formé un gouvernement.  Ce gouvernement, alléguant la défaite de nos armées, s'est mis en rapport avec l'ennemi pour cesser le combat.
Certes, nous avons été, nous sommes submergés par la force mécanique terrestre et aérienne de l'ennemi.
« Infiniment plus que leur nombre, ce sont les chars, les avions, la tactique des Allemands qui nous font reculer. Ce sont les chars, les avions, la tactique des Allemands qui ont surpris nos chefs au point de les amener là où ils en sont aujour­d'hui. »
Cet exorde est un réquisitoire, non pas contre le général Gamelin, généralissime depuis 1935, c'est-à-dire depuis le début du réarmement intensif de l'Allemagne — non pas contre les gouvernements, presque tous de gauche, qui se sont succédé depuis la même époque, mais contre le maréchal Pétain, qui a été ministre de la Guerre en 1934, et contre le général Weygand, qui a eu le courage d'accepter, le 19 mai 1940, la succession de Gamelin, alors que tout était déjà perdu. Pétain et Weygand sont deux fois dénoncés : pour n'avoir pas su prévoir hier, pour sombrer aujourd'hui clans le défaitisme ; incapables et traîtres.

discours du 18 juin du general De Gaulle

De Gaulle garde une certaine prudence. Rien, à Bordeaux, n'est encore tout à fait joué. Il ne sait pas quelles conditions Hitler va imposer. Il ne sait pas comment réagiront: le gouvernement, les présidents des assemblées, les personnalités les plus en vue, les chefs militaires et civils de l'empire. Mais on voit bien ce qu'il souhaite.
A Pétain et à Weygand, qu'il stigmatise en commençant, il oppose, en terminant, « Moi, général de Gaulle ». Il convie les officiers, soldats, ingénieurs et ouvriers spécialisés français présents en Angleterre, à « se mettre en rapport » avec lui. Pour l'heure, désireux de ne pas désobliger Churchill, il ne va pas plus loin. Mais il pressent qu'il aura, d'ici peu, bien d'autres choses à dire. « Demain, comme aujourd'hui, je parlerai à la radio de Londres. »
« L'appel », lancé sur les ondes, est largement diffusé par la presse, aussi bien en France qu'en Angleterre. Il est reçu dans l'indifférence générale, pour ne pas dire presque totalement ignoré ; dans le contexte de l'heure, il n'est qu'un fait divers. Ce sont les propos de Churchill devant le Parlement que les Anglais écoutent.
Quant aux Français, écrasés sous un malheur sans équivalent dans les temps modernes, ils sont « en prières pour la paix... Une conviction unanime, écrit Anatole de Monzie. Le maréchal Pétain apparaît comme l'officiant d'une formidable messe des désespérés. »

Discours de Petain en 1940
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De Gaulle avant 1947